Amanda Lapierre Ibanez

Ali en quelques mots : qu’est-ce qui me définit en tant qu’artiste ?
Profondément enracinée dans le présent, ouverte à cet instant que je laisse m’imprégner, je ressens ce qui m’entoure.
Au commencement de tout il y a l’émerveillement, étincelle qui nourrit tous mes désirs de peinture, l’envie de déposer cette émotion sur la feuille pour mieux la voir s’épanouir sous mon pinceau.
J’aime par-dessus tout ce moment suspendu qui précède la création, condensé de sensibles, promesse de dialogues, quintessence de la joie de peindre, le cycle va commencer…
J’ai choisi l’aquarelle, ses fusions, l’eau qui l’anime sur le papier, son côté indomptable et magique, tout me passionne en elle. Je recherche le dialogue avec la peinture, provoque ces « accidents graphiques » qui apportent du caractère dans le tableau. Le jeu de l’eau, sur et dans le papier, va m’entrainer dans un moment de création chaque fois unique et exaltant. La danse des couleurs qui fusionnent, l’empreinte moelleuse du pinceau sur le papier, le trait nerveux de couleur pure qui se diffuse en laissant son empreinte, la granulation des pigments minéraux qui amènent la matière, l’auréole naissante aux graphismes festonnés, la coulée d’eau qui crée son chemin de lumière dans la peinture encore fraiche…, je navigue entre maitrise et lâcher-prise, j’orchestre ce qui advient sur la feuille pour créer l’espace, l’odeur, la chaleur du soleil sur l’écorce d’un arbre…
Une fois le cycle de l’eau commencé, c’est un enchaînement de gestes ressentis qui, en déposant la matière à un moment précis, donnera vie à l’image de mes sensations. Mes pinceaux, prolongements de ma main, vont me permettre ces écritures : une souplesse dessinée au petit-gris comme un éclat posé plus nerveux grâce à la vivacité du poil de martre… C’est eux qui font la variété des touches de peinture, sa « calligraphie ». Et il faut du temps pour créer son alphabet, trouver son rythme, atteindre la cohérence du tableau par la fusion des couches, des intentions. La peinture a son propre langage.
Très attirée par la nature, je puise mon inspiration dans la couleur, la lumière, l’espace qui m’entoure, chaque sujet possède sa magie, sa force d’expression. Je cherche à « filtrer » le réel pour y mêler mon empreinte, à ressentir mon sujet plus qu’à le reproduire. Il n’est finalement que prétexte à la couleur, au mouvement, à l’alchimie des pigments.
Entre les humeurs de l’eau, le toucher du pinceau, l’influence du papier et la personnalité des pigments choisis, je laisse mon style s’affiner, trouver sa voie, la pratique me conduisant vers une plus grande part d’abstraction. Je souhaiterai dans ma peinture modeler l’espace entre contraste, transparence, fluidité et matière.
Quand on peint, on apprend aussi sur soi-même, comme la mise en lumière d’un fil conducteur qui s’élabore à l’intérieur. Le processus de création est indissociable de l’exploration de soi. La recherche intérieure possède tout son sens quand elle trouve le moyen d’expression adéquat à le révéler. Cet échange continu, subtil, entre l’intime et le dévoilé est mon « mouvement artistique perpétuel ».
Sur ce chemin, j’ai eu la chance de rencontrer lors de stages fondateurs des artistes, tels qu’Ewa Karpinska, Igor Sava, Alvaro Castagnet, Cesc Farré, Joseph Zbukvic, Bogousia ou encore Muriel Lecointe, et bien d’autres, qui, pour certains me font aussi grandir par leur amitié. Ils ont chacun contribué à ma construction artistique, tant au niveau technique qu’au niveau de la compréhension du processus de création.